Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

11 Novembre 1918

11 novembre 2007

11 NOVEMBRE 2007

En ce 11 Novembre 2007, je vous invite à lire une très belle page du blog de mon ami Le Chamois :

"Le Serment de Douaumont"

Les stats de fréquentation du blog ont explosé depuis quelques jours !

Merci à toutes et à tous pour vos visites, et continuons, au-delà des 11 Novembre, à nous souvenir...

A bientôt.

Publicité
Publicité
3 novembre 2007

Instructions / Entrée en Alsace - 161e D.I.

161e DIVISION d’INF.                                                                                Q.G., le 9 Novembre 1918
----------------------------
Etat-Major
3e Bureau


                                                       ORDRE GENERAL N°106


La Division peut être appelée à pénétrer incessamment en territoire alsacien.

Bien que le Général ne pense pas devoir insister sur l’attitude qu’il conviendra d’observer, car elle est comprise par tous les hommes, il est nécessaire d’attirer l’attention sur certains points.

Nous serons accueillis à bras ouverts, à n’en pas douter. Il n’en est pas moins indispensable que la troupe donne une impression d’ordre c’est à dire de force à une population qui est habituée depuis 47 ans à la rigidité allemande devant laquelle nous produirions le plus fâcheux effet si nous nous présentions avec du relâchement.

L’homme devra donc en toutes circonstances avoir une tenue correcte et même soignée : le soldat Français doit être un beau soldat.

La troupe devra partout se présenter dans le plus grand ordre, qu’il s’agisse d’un simple détachement de corvée ou d’une unité constituée. Les paquetages devront être particulièrement soignés. Les musiques, les tambours et les clairons seront fréquemment appelés à jouer ; il faudra qu’ils se surveillent.

Les équipages devront être parfaitement tenus, le harnachement reluisant, les chevaux toilettés.

En un mot le Général fait appel à l’excellent esprit et au bon sens de tous pour que nous donnions, en pénétrant dans la plaine d’Alsace, l’impression que nous revenons, en vainqueurs, dans nos propres foyers.

                                                                  

                                                                   Le Général LEBOUC
                                                                   Commandant la 161e Division d’Infanterie
                                                                   Signé : LEBOUC

P.A. Le Chef d’Etat-Major


DESTINATAIRES :

Corps et Services   



Document amicalement transmis par Eric M. Merci à lui !

1 novembre 2007

Paul Beauvoir - 37e R.A.C.

Le 11 novembre, avant 11 heures, tous les officiers du régiment sont rassemblés par le Colonel. En attendant l'heure historique, nous devisons joyeusement. Ravis de la fin de nos misères, nous nous contemplons avec attendrissement. Depuis la veille, nous entendons les soldats qui s'abordent par un joyeux : « Eh bien, tu la ramèneras, cette vieille peau ! ». Pour nous exprimer en d'autres termes, nous ne pensons pas différemment.

Montre en main, nous attendons 11 heures. Puis c'est une exclamation, et le champagne est versé, peu abondant. Il n'a pas été possible, en recourant à toutes les ressources, de découvrir plus de trois bouteilles. C'est peu pour trente gosiers militaires. Par contre les cigarettes sont abondantes, et bientôt la salle devient une tabagie irrespirable.

Après quelques mots sobres et d'un sentiment très exact, le Colonel passe devant nous pour choquer sa coupe. Pour chacun il a un mot aimable, jamais banal, toujours personnel. Notre Colonel est un Alsacien très fin, très homme du Monde. Il tourne un compliment d'une ironie bien dosée aux officiers tard venus, qui se sont décidés à venir au danger. . . à l'heure où il cesse.

Paul Beauvoir, "Du 75 hippo au 75 porté", Imprimerie Poirson, 1934, pp. 215-216.

29 octobre 2007

Tony de Vibraye - 1er Cuirassiers

Tony de Vibraye, officier au 1er Régiment de Cuirassiers, se trouve à Paris, lors d'une période de convalescence, le 11 Novembre 1918.

Je me trouve être à Paris le matin de l'Armistice. A onze heures, toutes les cloches se mettent à sonner ; le spectacle de la ville, à ce moment, est inoubliable.

Un enthousiasme indescriptible s'empare spontanément de la foule sur les Grands Boulevards et la place de l'Opéra où, par chance, je passe à cet instant unique : tout le monde se met à chanter ou à hurler, d'un seul élan, la Marseillaise.

L'écho de milliers de voix s'est, en une seconde, substitué au vacarme habituel de ce quartier. Le chant s'amplifie d'ailleurs d'instant en instant ; le traffic s'arrête, la rue est à la foule et celle-ci, toute à sa grande liesse, à cette minute, vraiment sincère et unanime. Sans fin, les couplets de l'hymne national sont repris par un groupe puis par un autre. C'est poignant : les larmes montent aux yeux de combien d'entre nous !...

Je vois une femme vieille et ridée qui cherche à fuir dans une rue latérale. Son visage est bouleversé : de ses pauvres mains, cripées sur son tablier, elle ne parvient pas à étouffer ses sanglots. Je la suis des yeux : à bout de forces, sans doute, elle s'arrête dans un coin de porte et s'écroule... Contraste affreux !...

Les éditions spéciales des journaux sont colportées dans Paris par des bonshommes déjà égosillés ; l'un d'eux ne peut plus dire, pour annoncer son journal, que "Ca y est ! Ca y est !"...

Pour ne pas être en reste, les chauffeurs des autos américaines stationnées devant le Crillon réquisitionné pour leur Etat-major, ont inventé un moyen de faire une musique invraisemblable avec l'échappement de leur moteur, et ils ne s'en privent pas.

Comte Tony de Vibraye, "Carnet de route d'un cavalier", Paris, 1939, pp. 311-312.

24 octobre 2007

Jean-Alexandre Cardot - 47e R.A.C.

Le lendemain 11 novembre, impossible de mettre la main sur notre lieutenant. Notre cuistot se lamentait, il avait perdu sa cantine dans le fourgon de la batterie qui avait été retardé au passage de l’Aisne. Il n’avait rien à nous mettre sous la dent. Je mangeais ce jour-là des choux et des pommes de terre cuites à l’eau, récupérées dans un jardin. Je passais mon temps à lire des vieux journaux locaux. Il y en avait partout à profusion. C’était la fameuse gazette des Ardennes imprimée par ses occupants.

Cependant, dans le village régnait une certaine agitation. Le bruit se répandait que le téléphoniste du groupe, qui s’était construit lui-même un poste récepteur à galène et une antenne, avait cru entendre dans ses écoutes le mot d’armistice. Ces bruits nous étaient confirmés par notre lieutenant qui au contact de ses anciens camarades du groupe avait été informé officiellement que depuis 11 heures les combats avaient cessé de la Mer du Nord à la frontière suisse.

La nouvelle fut confirmée aux gradés rassemblés qui en informèrent leurs hommes. Cette nouvelle arriva sans joie. Il n’y avait plus de cloche au village. Il n’y avait même pas une bonne bouteille dans la giberne de nos canonniers pour fêter la victoire.

Nous apprenions le lendemain que le régiment, avec toute la division, devait relever la veille les troupes en ligne. Il n’en était plus question puisque tout danger avait disparu et c’est ainsi que la division des As, celle qui dans cette guerre avait fait noblement son devoir était privée des honneurs et des joies de la victoire.

Il fallait saluer avec discipline l’armistice. D’autres là fêteraient à notre place. Notre joie fut celle d’hommes forgés dans la guerre par la souffrance dont les premières pensées allaient aux disparus, à ceux qui ne rejoindraient pas leur foyer. Je songeais à ces trois camarades, Maix, Sergent et Cornudet. J’occupais aujourd’hui la place de l’un d’eux. Pourquoi moi et pas lui !

Notre déception de la veille ne pouvait que s’aggraver le lendemain à la lecture des journaux qui nous apprenaient la liesse qui s’était emparée de tous les Français. Et nous pensions que si toutes les mères qui avaient un fils (ou deux comme la mienne), que si les épouses qui avaient un mari au front, poussaient un soupir de soulagement, les embusqués, les sans souffrances les sans gloire, les profiteurs de la guerre avaient fête la victoire de l’armistice jusqu’à se griser eux-mêmes de la gloire des combattants du front.

Par ailleurs nos officiers, notre commandant, notre colonel demandaient des ordres, des instructions qui n’arrivaient pas. Même l’armée française nous abandonnait. Une seule mission retenait son attention : ratisser, à l’aide des unités en position le jour de l’armistice, tout le terrain abandonné par l’ennemi en fuite et le refouler jusqu’à la frontière allemande. A ces troupes l’honneur de franchir cette frontière, et de s’installer en vainqueur dans la zone d’occupation.

La 14e D.I., la seule qui en 19l4 avait tenté de reconquérir l’Alsace-Lorraine, était abandonnée sur place à manger des choux et des carottes.

Jean-Alexandre Cardot, "Artilleur de campagne. 1918", La Pensée Universelle. Merci à Jean-Claude P.

Publicité
Publicité
27 novembre 2006

Vers le 11 novembre 2007 !...

Bonjour,

Un grand merci à tous ceux qui ont contribué à enrichir ce blog, à tous ceux qui l'ont visité ces dernières semaines, et à ceux qui l'ont fait connaître.

Le cap du 11 Novembre 2006 est maintenant derrière nous, mais déjà se profile le 11 Novembre 2007 !

Vos contributions seront donc toujours les bienvenues, et je continuerai, régulièrement je l'espère, à mettre le blog à jour avec de nouveaux documents.

A très bientôt !

Stéphan

chartres

Le 11 Novembre 2006, à Chartres...

17 novembre 2006

M. Billet - 70e B.C.P.

[...] Je suis évacué pour cause de grippe, de Saint-Germain (dans le Nord ?). J'apprends l'armistice dans un hôpital de campagne à Jonzac où j'étais consigné. Nous avons acheté une bouteille de vin avec un camarade, pour fêter l'événement. Nous en avons bu chacun une partie mais notre maladie nous a assommés et nous nous sommes recouchés aussitôt. J'ai passé là les quatre jours les plus terribles de ma vie entre les blessés et les mourants.

Quand j'étais remis nous allions voir les cercueils qui s'alignaient chaque jour dans la chapelle du château où nous logions...

Extrait du témoignage recueilli de 1991 à 1993 par Patrice L. Merci !

15 novembre 2006

La Fleur du Souvenir

fleur

Le 11 Novembre est partout... et même là où on ne l'attend pas !

http://ohunarcenciel.over-blog.com/article-4500256.html

Merci Michou pour cette "Fleur du Souvenir" !

14 novembre 2006

Louis Barthas - 248e R.I.

Louis Barthas vécut cette journée du 11 novembre 1918 au dépôt du 248e R.I. (Guingamp).

Il était midi quand la nouvelle nous parvint à la caserne de Vitré. Il ne resta pas un seul soldat dans les chambres. Ce fut une dégringolade endiablée par les longs couloirs et la ruée vers le poste de police où l’on venait de placarder un télégramme annonçant en deux lignes laconiques la délivrance de millions d’hommes, la fin de leurs tortures, leur retour prochain à la vie civilisée.

Que de fois, on avait songé à ce jour béni que tant n’auront pas vu, que de fois on avait scruté, fouillé le mystérieux avenir, cette étoile de salut, ce phare toujours invisible dans la nuit noire.

Et voilà que ce jour à jamais immortel était arrivé !

Ce bonheur, cette joie nous écrasaient, ils ne pouvaient contenir dans notre cœur et nous restions là à nous regarder, muets et stupides.

Mais nous fûmes rappelés à la réalité par les cris de « Rassemblement ! » et les coups de sifflets des adjudants de jour pour aller à l’exercice comme de coutume.

Quoi, à l’exercice ! Un jour si solennel dont la date sera inoubliable dans les siècles futurs, c’était une brimade. En maugréant on prit le chemin du terrain de manœuvre, et le lendemain aussi.

Louis Barthas, "Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918", Editions La Découverte, 1992, pp. 549-550 (Contribution de Jérôme C. Merci !)

13 novembre 2006

Le retour...

Cette petite aquarelle, trouvée dans une brocante, n'est ni datée, ni légendée... Arrivée du permissionnaire dans sa famille ? C'est très probable... Retour du fils démobilisé, quelques mois après la signature de l'Armistice, au printemps 1919 ? Pourquoi pas...

RETOUR

12 novembre 2006

Roland Dorgelès - ex-39e R.I.

Je l’ai encore dans l’oreille, le chant du Onze Novembre. Des hymnes ? La Madelon ?

Mais non, voyons, souvenez-vous :

Ah ! Il n’fallait pas, il n’fallait pas qu’y aillent...

Cela fusait des rues comme un rire triomphant, un grand rire de délivrance. La France soulagée l’a lancée jusqu’au ciel, cette boutade d’un passant reprise par un million de voix : « Il ne fallait pas qu’y aillent ! » ces meurtriers vaincus, et l’on promenait sur les boulevards leurs canons devenus des joujoux. Cependant, tandis que la foule exultait, je me rappelais les boulevards, quatre ans plus tôt, quand couraient vers les gares ces cohortes de jeunes gens qui ne reviendraient plus, et au lieu de chanter, noyé dans cette mer humaine, j’élevais ma pensée vers la funèbre armée qui emplissait la nuit.

Il fallait qu’ils y aillent, ceux-là, ils y étaient allés, et, dans leur troupe immense, je cherchais des visages, je réclamais tout bas mes morts… Pas seulement les parents, pas seulement les amis : les autres aussi, surtout les autres, ces figures effacées dont on n’a pas su le nom, le camarade de corvée qui a pris ton fardeau quand tes genoux pliaient, celui qui a déchiré ta capote lorsque, pris dans le barbelé, tu allais y rester, le petit volontaire qui a crié : « Présent ! » quand il fallait traverser le tir de barrage pour porter un ordre d’où dépendait notre sort.

Tu me comprends bien : le frère d’un instant, celui qu’on rencontrait par hasard et qu’on retrouvait, le lendemain, en travers du boyau, ou couché sur la piste, ses doigts durcis enfoncés dans l’argile et un dernier rictus lui découvrant les dents…

Ah ! Non, je n’ai pas chanté… J’aurais dû peut-être, mais les souvenirs me serraient la gorge. Il défilait trop de fantômes dans ce ciel sans étoiles.

Aujourd’hui encore, en écrivant ces mots désordonnés qui veulent jaillir ensemble, je crois entendre les clameurs de l’Armistice et je lève les yeux vers la nuit éternelle où passaient les suppliciés. C’est ce défilé-là qu’auraient dû regarder les survivants.

La main tremblante, sans réfléchir, j’ai décroché le téléphone :

– Mon général, combien de temps met à défiler un régiment ? J’ai reconnu, au bout du fil, la voix de notre ancien colonel, une voix de chef qui ne sait pas hésiter. Peut-être était-il surpris, mais il ne l’a pas montré.
– Une demi-heure, à l’effectif de guerre, m’a-t-il tout de suite appris.

Une demi-heure, avec ses clairons et ses mitrailleuses, ses voitures et ses brancardiers, toute la colonne qui mêle ses refrains dans la poussière et plie le dos sous le barda.

Une demi-heure.

Et quinze cent mille morts…

Ainsi, il faudrait onze journées entières, onze journées et onze nuits, sans pause, sans un instant d’arrêt, pour passer en revue ces cinq cents régiments. Une armée de morts plus longue que toute l’infanterie de France, si, au lendemain de la guerre, elle avait défilé…

C’est pourquoi, me retournant vers le passé, je revois non point un soldat joyeux criant dans la foule, mais un ancien combattant solitaire qui, revenu au front en pèlerinage, regarde un prêtre botté glaner des ossements. Car la Victoire elle-même est une fête des Morts.

Roland Dorgelès, in "Almanach du Combattant", Durassié et Cie, 1968, p. 47 (Contribution de Jean-Claude P. Merci !)

11 novembre 2006

La lettre d'Emilie, 15 ans

emilie

Le 12 novembre 1918,

Ma petite maman bien-aimée,

Un pâle soleil s'est levé hier parmi la neige mouvante des nuages. Je dis qu'il était pâle, et pourtant, n'était-ce pas le plus brillant qui ait apparu depuis bientôt cinq ans ? Le soleil de novembre éclairait un beau jour de gloire, le jour que depuis longtemps nous avions rêvé. Les chauds et vivifiants rayons ont inondé le monde entier de joie et d'allégresse. Cette joie nous fut révélée par la cloche du lycée. Ce ne fut plus le glas de la mobilisation, ni le tintement mêlé au long et sinistre miaulement des sirènes qui nous appelaient à chercher un refuge dans les caves au moment des alertes, mais ce fut un long et gai carillon qui nous rappela que nous vivions un moment si solennel, nous invitant à nous recueillir. Cette cloche a plongé bien des familles dans une joie délirante car c'était le signal de la délivrance tant demandée de leurs chers prisonniers ou de leurs chers poilus. Mais elle en a plongé bien d'autres dans une incommensurable tristesse car beaucoup attendront en vain le retour de leurs bien chers disparus. Moi en particulier, je fus hier bien peinée car la pensée de mon héroïque papa m'a suivie partout. Lui qui fut enlevé si jeune et si fort laissant derrière lui une jeune tige si frêle n'ayant plus que comme tuteur une pauvre maman si affligée.

Lui, mon papa, avec ses frères, héros obscurs dont les noms ne seront jamais écris sur les feuillets du livre d'or, ont du tressaillir dans leurs tombeaux à la nouvelle de cette suspension d'armes. Leurs morts sont vengées !! et nous devons être fiers d'eux car eux ont été fiers de faire de leurs corps une barrière infranchissable, un solide rempart contre lequel venaient se heurter les terribles engins boches. Eux n'ont pas faibli, et bien nous, à notre tour, il faut avoir assez de courage pour ne pas faiblir et contenir la peine, le chagrin qui nous étreint. Oui, un puissant chagrin s'était emparé de moi, mais après avoir réfléchi et médité, je retrouvai de la gaîté car j'ai un grand et bon frère que nous allons retrouver sain et sauf.

Ce cauchemar, ce mot prononcé par tous, la "guerre", on ne l'entendra donc plus. Cette hantise qui faisait saigner le coeur de tant de mères, d'épouses, de soeurs, de fiancées, est donc disparue et ne reparaîtra plus ? O mon Dieu, c'est donc bien vrai, on ne s'entretue plus ? O merci mon Dieu ! Hier à onze heures, avez-vous envoyé une pensée aux derniers soldats qui s'effondrèrent au dernier coup de feu, y avez-vous pensé ? Cette heure fut terrible pour tous. Mais, ô mon Seigneur, vous les mettrez tous dans ce lieu de délices, le Paradis si envié de tous les bons chrétiens. Pour eux, je vous dis sincèrement merci.

Ma petite maman, tu vas, en lisant cette lettre, te demander si je suis folle, mais pardonne-moi, car ne pouvant être auprès de toi pour te confier tout ce que je pense, il faut que je le fasse par lettre.

Au revoir ma petite maman chérie, et accepte mes plus tendres baisers.

Emilie.

EMILIIEPHOTO

Emilie, avant la guerre, en compagnie de ses parents et de son demi-frère Emile.

Document familial aimablement transmis par Jean-François P., petit-fils d'Emilie. Grand merci !

10 novembre 2006

Le deuil du 10 novembre 2006...

La radio vient d'annoncer le décès de Maurice Floquet, doyen des rares derniers poilus de France, né en 1894... A la veille du 11 Novembre... Il y a de ces hasards, parfois...

floquet1

10 novembre 2006

Un pâle soleil de novembre...

Demain, nous serons le 11 novembre 2006.

Vous pourrez, ici, lire la très belle et très émouvante lettre qu'une fillette de 15 ans écrivit à sa mère, le 12 novembre 1918, lendemain de la signature de l'Armistice. Elle y parle d'un "soleil pâle"... mais "d'un soleil de novembre éclairait un beau jour de gloire" et dont les "chauds et vivifiants rayons ont inondé le monde entier de joie et d'allégresse".

En attendant, je vous propose donc de prendre connaissance de la carte du Bulletin International du Bureau Central Météorologique (ancienne appellation de Météo-France) datée du lundi 11 novembre 1918.

METEO

Merci à Jérôme C. de m'avoir signalé ce site.

9 novembre 2006

Une piqûre de rappel !

Ne l'oubliez pas ce samedi !

BLEUET02B

8 novembre 2006

Pensez au Bleuet cette année !

BLEUET

7 novembre 2006

Charles Laquièze - 55e R.I. (en captivité)

11 novembre 1918,

Dominant le brouhaha de la baraque, une voix s'élève, joyeuse :

- Silence, les gars !

Quelques hommes continuant à parler, la plupart des autres protestent ; le silence s'établit enfin.

- Voici, les gars : l'armistice est signé !

Un frémissement muet parcourt l'assistance, pas un cri n'est poussé, chacun se sent écrasé. La voix reprend :

- L'armistice est signé. Les Boches ont accepté les conditions du président Wilson !

Le silence religieux pèse plus lourd.

- Je vais vous lire ces conditions.

Le sergent lit d'une voix que l'on sent vibrante d'émotion.

- Les Boches sont foutus, et nous allons être rapatriés, ajoute-t-il après avoir lu. Demain, il y aura une distribution de vivres supplémentaires.

Nous restons accablés. Je regarde autour de moi à travers le brouillard de mes larmes. Je ne vois que des yeux brillants et embués, et des bouches crispées. Personne ne dit mot. Soudain, une voix enthousiaste déchire le silence :

- Bravo !

Une salve d'applaudissements crépite. Quelques Boches décomposés, qui observaient, postés dans le cadre des portes, se retirent, la tête basse.

Le sergent affiche les conditions de l'Armistice qu'il a copiées sur une feuille de papier. Chacun s'approche tour à tour pour bien se rendre compte que ce n'est pas un rêve.

Oui, oui... C'est vrai... C'est fini...

Il n'y a pas d'éclats de voix, pas d'exubérance, une émotion intense nous abat. Notre joie est trop grande pour s'extérioriser... Est-ce possible ? ...Est-ce possible ? !

Quel enthousiasme doit se manifester en France, dans ce jour unique dans l'Histoire ! Que les coeurs doivent battre vite ! N'oublie-t-on pas en ces heures toutes les peines, toutes les souffrances, tous les revers ? Mais les mamans, les épouses fidèles qui ont perdu ce qui était leur raison de vivre, qu'éprouvent-elles en voyant l'âpre joie de tous, contrastant avec leur immense peine ? Soyez sans crainte, mamans et femmes, les Vivants pensent aux vôtres, à leurs camarades qui n'y sont plus. Ils entretiendront le culte de leur souvenir. Ils jetteront dans l'esprit des générations futures le germe d'une piété sublime qui les habituera à ne pouvoir penser aux disparus sans frémir d'émotion.

Mais, nous, nous, malheureux exilés, nous sommes en dehors de ces joies si pures. Par crainte de représailles, nous ne pouvons hurler notre contentement ; notre bonheur est teinté de mélancolie, parce que nous sommes loin de ceux qui nous aiment. Nous devons trouver notre réconfort en nous-mêmes, nous communiquer notre joie sans exubérance, et attendre, sans trop d'impatience, le jour béni où nous serons rapatriés.

La France ! La France ! Revoir notre France !

Jamais on ne ressent aussi intensément l'amour de sa Patrie que lorsqu'on est loin d'elle en ses jours de bonheur.

Charles Laquièze, "Volontaire", Nouvelle Librairie de France, 1932, pp. 305-307

6 novembre 2006

Pierre Arnoult - 252e R.A.C.

Le 4 novembre 1918, Pierre Arnoult quitte le front pour partir en permission...

Le 11 novembre, je suis chez moi, dans la maison de mes parents, vide et endeuillée. Depuis mon arrivée, je sais que le grand événement est proche, et que l'armistice n'est plus qu'une question de jours, peut-être d'heures. Tout mon être se tend vers cette décision suprême. Ah ! serait-il possible de sortir enfin du cauchemar ? Mais oui, c'est sûr dès maintenant, et cependant, c'est incroyable !

Depuis quatre ans passés, je vis au jour le jour, et mon horizon n'est bordé, de toutes parts, que par la mort. Comment perdre l'habitude d'une telle existence ? Elle est tellement mienne aujourd'hui, que mon imagination, qui travaille cependant prodigieusement, ne peut arriver à en concevoir aucune autre.

Je suis marqué, comme tous mes camarades du front, d'une empreinte ineffaçable. La guerre, la hideuse guerre, nous y sommes entrés en tremblant, nous en avons subi toutes les terreurs, découvert toutes les atrocités, compris toutes les inutilités. Mais nous l'avons dominée, la guerre, malgré nos faiblesses, nos hésitations, nos scrupules et nos écoeurements. Nous avons été plus forts qu'elle ; et si elle s'est imposée à nous, nous l'avons acceptée et nous l'avons comprise. Ah ! comme il nous a coûté de la servir ainsi, la guerre ! Comme il a fallu que notre coeur se ferme, que notre bouche se taise et que notre volonté se raîdisse ! Tout cela, les hommes que nous sommes l'ont fait. C'était notre lot ici-bas. Ceux qui sont tombés ne pensaient guère, sans doute, qu'ils pouvaient en réchapper. Comment, aujourd'hui, nous qui sommes encore vivants, pouvons-nous concevoir que la guerre va finir ?

Soudain, un coup de cloche me fait brutalement tressaillir. Il déclenche une volée, qui s'égrène hâtivement, joyeusement, sur tous les toits de ma petite ville. Je l'écoute, de tous mes sens. Alors, c'est vrai, c'est vrai ? C'est l'armistice ? Les pensées, les espoirs, me bourdonnent plein la tête. Et puis, lorsque s'éteint le divin carillon, je reviens à moi, et me vois brusquement, face à face avec ma solitude. Le coup est trop dur. Je murmure : « Ma guerre ! Ma guerre ! » et je laisse éclater le sanglot qui m'oppresse.

Pierre Arnoult, "Guerre d'artilleur. Liaisons de 75", Les Livres des Deux Guerres, 1939, pp. 164-165

5 novembre 2006

Georges Gazier - 333e R.I.

Tous, nous attendions avec impatience l’aurore du 11 novembre, jour où expiraient les 72 heures de délai accordées à l’Allemagne pour accepter ou refuser l’armistice. Dès 8 heures du matin, le bruit courut que la capitulation de l’ennemi était complète : c’était les artilleurs qui propageaient cette nouvelle à sensation qui leur avait été révélée par la T.S.F. Quant à nous, obéissant aux ordres supérieurs inspirés par la crainte de la divulgation des fausses dépêches lancées par les spartakistes allemands, nous avions démonté depuis deux jours nos appareils de télégraphie et ne pouvions qu’attendre une confirmation officielle de l’armistice. Or les heures passaient et nous ne recevions rien de l’état-major de l’infanterie divisionnaire, qui pourtant ne nous ménageait pas d’ordinaire les coups de téléphone, jour et nuit, pour des affaires de bien moindre importance. Pourtant on nous disait qu’à 11 heures précises, l’armistice devait entrer en vigueur, amenant la suspension immédiate des hostilités à partir de ce moment. Ne voyant rien venir, nous nous décidâmes vers 10 heures à réclamer des ordres : un officier de l’état-major nous avoua alors que, dans la joie de la nouvelle, on avait oublié de nous prévenir, pensant d’ailleurs que nous étions suffisamment renseignés par la voix publique, même au milieu de nos bois sauvages. Adjoint au colonel, j’eus l’honneur de notifier aux trois chefs de bataillon en ligne que la guerre était finie, qu’à partir de 11 heures du matin, le canon devait se taire, qu’aucun coup de fusil ne devait plus être tiré. Inutile de dire de quelles exclamations enthousiastes ils accueillirent ma communication : cette fois ils ne maugréèrent pas contre le téléphone et ne firent pas d’objections aux ordres qu’on leur transmettait.

On devine aussi la joie de nos braves troupiers dans leurs tranchées, quand on leur apprit qu’ils n’avaient plus à redouter de recevoir un obus sur la tête, qu’ils pouvaient, sans courir risque de mort, lever les yeux par dessus les créneaux. Mais cette joie, ils ne la témoignèrent pas, comme on aurait pu le croire, par des manifestations extérieures vibrantes, par des cris ou des chants. Nos paysans de la Bresse et de la Comté n’ont rien du tempérament méridional et, ce qu’ils sentent au fond du cœur, ils ne le traduisent pas au dehors par des expansions bruyantes. Sans doute ils étaient heureux d’apprendre que la terrible tourmente qui, depuis tant d’années, s’était abattue sur le pays était définitivement passée, que la victoire tant attendue récompensait leurs peines, qu’ils allaient bientôt serrer dans leurs bras leurs frères d’outre-Vosges enfin retrouvés. Ils le disaient entre eux mais conservaient une gravité, une dignité remarquables. Il est vrai aussi que la paix était arrivée si inopinément que, tous, nous étions un peu ahuris et nous demandions si la chose était possible, si nous ne rêvions pas. En parcourant les tranchées quelques heures après, on était surpris de voir toujours nos soldats à leur poste d’écoute ou dans leurs abris, comme si la guerre continuait, attendant de leurs chefs des ordres sur les modifications à apporter au système de surveillance. Ils s’étaient permis une seule transgression aux mesures précédemment prescrites : comme il faisait très froid, ils avaient allumé de grands feux dans leurs tranchées, dont l’emplacement pouvait maintenant sans danger être révélé à l’ennemi ; ils causaient paisiblement, réunis autour des braseros, ou écrivaient sur leur genou à leur famille ou à leur payse pour les entretenir du grand évènement. Les soldats venus de l’arrière, du train de combat, les cyclistes leur racontaient bien les ovations enthousiastes dont ils avaient été l’objet dans les villages et les villes à la nouvelle de l’armistice, les baisers dont les avaient gratifiés les jolies filles de Saint-Dié : ils souriaient seulement, en songeant qu’une fois de plus les acclamations de la foule avaient été pour ceux qui les méritaient le moins.

Il n’y eut ce jour là dans notre forêt qu’une petite cérémonie extraordinaire, d’ailleurs fort  touchante. Le colonel donna l’ordre d’apporter à son poste de commandement le drapeau, laissé selon l’usage au train régimentaire à la garde de l’officier payeur. Il arriva, musique en tête, et ce salut au drapeau, aux accents de la Marseillaise dont l’ennemi entendit les échos, sous les sapins séculaires des Vosges, aux confins de l’Alsace, laissa une impression profonde à ceux qui en furent les témoins.

Si, de notre côté, du côté des vainqueurs, chacun conserva son calme et son sang-froid dans ces minutes solennelles, il n’en fut pas de même chez nos ennemis, chez les vaincus. A 11 heures précises, on les vit tout à coup sortir en hurlant de leurs tranchées, déployant le drapeau rouge et arborant des pancartes où était inscrit le mot de République : beaucoup avaient orné leur casquette d’une cocarde tricolore. Ils eussent voulu engager aussitôt la conversation avec nos soldats et furent tout surpris de voir ceux-ci repousser dédaigneusement leurs avances. Ils ne comprenaient pas pourquoi, maintenant que la guerre était finie, nous ne les accueillions pas à bras ouverts, puisque d’autre part ils étaient comme nous en République. Ils oubliaient déjà les crimes abominables qu’ils avaient commis dans nos régions dévastées, les deuils qu’ils avaient multipliés dans toutes nos familles, les ruines que partout ils avaient accumulées. Ils nous pardonnaient tout, pourquoi étions-nous moins généreux ? Rebutés par les nôtres, qui n’avaient pas si vite perdu le souvenir des torrents de sang qui formaient un obstacle infranchissable à un rapprochement immédiat entre les deux peuples, les Boches se contentèrent de célébrer entre eux l’armistice à leur façon. De tous côtés ils s’amusèrent à faire éclater leurs grenades, à faire sauter leurs dépôts de munitions, à brûler toute la soirée leurs fusées, illuminant le ciel d’un feu d’artifice incomparable. Bien plus, ils se mirent à chanter des airs joyeux et à jouer de la musique, comme si l’heure qui venait de sonner ne marquait pas l’écrasement de leur pays, l’humiliation la plus terrible qu’ait subie l’Allemagne. Il faut dire que, trompés par leurs chefs, ils ne croyaient pas à la défaite militaire de leur pays et qu’ils ignoraient les clauses de l’armistice. On leur avait dit que la cessation des hostilités était uniquement due à ce fait que la Révolution venait d’éclater dans leur pays et était d’autre part en train de se propager chez les alliés. Très sérieusement et naïvement, le 13 novembre, un officier allemand vint demander à l’un des nôtres s’il était vrai, comme le bruit en courait, que Paris était en révolution, que Clémenceau avait été assassiné, que Foch s’était suicidé, que la flotte anglaise s’était soulevée, que l’Angleterre avait proclamé la République, rien que tout cela à la fois. Il fut tout surpris d’apprendre qu’il n’y avait absolument rien de fondé dans ces nouvelles extraordinaires.

Georges Gazier, "L’Armistice du onze novembre sur le front. L’entrée en Alsace", in "Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs", 8e série, tome 10, 1919 –1920, pp. 46-49 (Contribution d'Eric M. Merci !)

4 novembre 2006

Germania

GERMANIA

"Cette photo représente l'assemblage des cartes au 200.000e sur lesquelles l'état-major du 20e Corps traçait chaque jour le front. En renforçant les deux lignes du 15 juillet et du 2 novembre, conservées très exactement, et en ajoutant quelques traits à l'intérieur et la pointe du casque, un dessinateur de l'état-major a obtenu cette très curieuse figure de Germania agenouillée."

Photo et légende in "Les batailles de Picardie", Guide Illustré Michelin des Champs de Bataille, Michelin, 1920, p. 53.

Publicité
Publicité
1 2 3 > >>
Publicité